Le cours portera sur le rôle de la conscience de soi pour la connaissance de l’infini. On pourrait définir l’infini comme ce qui n’a pas de limites (c’est exactement ce qui dit le mot grec ancien pour ‘infini’ : ‘a-peiron’ = ‘non limité’). Mais quelles limites, au juste ? Et comment pourrait-on connaître ce qui en n’a pas, dans son totalité ? Pour éviter la difficulté, Richard Dedekind a suggéré une autre approche de l’infini. Selon Dedekind, une collection (ensemble) A est infini s’il existe une correspondance biunivoque entre les éléments de A et les éléments d’une sous-collection (sous-ensemble) propre de A. Si une telle correspondance n’existe pas, A est fini. Par exemple, l’ensemble des nombres naturels (ou entiers non-négatifs) est infini, selon cette définition, car les nombres pairs forment un sous-ensemble propre de cet ensemble, et l’on peut associer tout entier n au nombre pair 2n, et vice-versa. Dedekind donne un autre exemple : la collection (ou monde, pour rester proche de sa terminologie) de toutes mes pensées [Mein Gedankenwelt], à savoir la totalité S de toutes les choses, qui peuvent être objet de ma pensée, est infini. Son argument visant à prouver l’existence de cette collection et son infinité fait appel à la notion de conscience de soi : quelle que soit notre pensée, on a conscience qu’on le pense, et cette conscience résulte et une autre pensée associée au premier, juste comme 2n l’est à n. C’est une mise en abyme. Kitaro Nishida, le philosophe japonais le plus célèbre du XXème siècle, est intervenu dans la discussion sur cet argument de Dedekind : il a avancé que notre capacité d’avoir conscience de nos pensées nous rend capable de connaître les collections infinies, au sens de Dedekind. Il s’ensuivrait que la notion d’infini de Dedekind fait en sorte que nous pouvons connaître l’infini, au moyen de la conscience que nous avons de nos pensées, c’est-à-dire par le truchement de la conscience de soi (ou, plus précisément, du soi pensant). Dans mon cours, je vais discuter cette problématique, en expliquant les détails mathématiques, historiques et philosophiques, qui mélangent philosophie occidentale et philosophie orientale